FRANZ ROSENZWEIG ‚ STERN DER
ERLÖSUNG
Extrait de la Synthèse de la Journée
d’étude (Freiburg -Allemagne) du 01 décembre 2011, sur : « FRANZ
ROSENZWEIGS ‚ STERN DER ERLÖSUNG‘ UND DIE SCHELLINGSCHE SPÄTPHILOSOPHIE. Universität
Freiburg, établi par Riyad Dookhy, publié par le Centre de recherches
en philosophie allemande et contemporaine, CRPAC) :
La séance s’ouvrait d'une
« entre-lecture » sur les « Âges du monde » et l’ « Étoile de la
Rédemption » …
Luciano Mattuella
prenait comme point de départ la notion de la note bleue en musique (notes
musicales dissonantes qui échapperaient plus ou moins à l’ensemble d’une
composition musicale et qui met en jeu, par analogie, la question philosophique
de la « totalité » et de l' «altérité ».
Chez Hegel l’histoire
devient comme un mouvement nécessaire, comme un récit dont la fin est déjà
présente dans le commencement. On peut remarquer toujours la ressemblance du
monde à une machine qui, à chaque fois, à chaque génération des hommes, marche
vers la perfectibilité du « système ». Le monde devient comme une machine et
l’histoire comme le fonctionnement de cette machine : voilà une image qui,
malgré sa simplification extrême, nous aide à comprendre la pensée de Hegel sur
l’histoire.
Le but de l’histoire
chez Hegel est justement de faire que toutes les notes bleues soient englobées
par la mélodie. Ici, il n’existe pas de déformation, pas de contingence.
Schelling, par contre, ne pense pas l’histoire comme un récit vers une finalité
quelconque. Dans la leçon X du livre Introduction à la Philosophie de la Mythologie,
Schelling nous présente une histoire humaine où chaque époque a sa propre
essence, où elle n’est pas liée par la nécessité d’un temps précédent.
C’est ainsi que pour
Schelling : “il n’y a pas vraiment succession de temps”. D’où on peut bien voir
la différence de conception de l’histoire chez Schelling et chez Hegel. Pour
Schelling, le temps tire sa consistance des traces de la contingence. Ce qui
fait histoire, c’est la contingence – et la nécessité reste comme fond. Cette
différence apparaît de façon plus évidente dans cette citation d’Hegel : “Le
changement abstrait, en général, qui opère dans l’histoire a déjà, depuis
longtemps et de manière générale, été saisi de telle sorte qu’il comporte un
progrès vers le mieux, vers le plus parfait”.
C’est chez Franz
Rosenzweig qu’on rencontrera la plus poignante critique à l’encontre de la
position hégélienne de penser l’histoire des hommes. Pour l'auteur de L’Étoile
de la Rédemption, la notion de progrès - si importante dans la philosophie
de Hegel – a un prix trop grand : l'effacement de l’histoire de chaque homme,
l’histoire d’une vie intime et personnel. Le propre de l’abstraction extrême
est justement l’oubli des récits individuels. Dans un monde-machine où le monde
du système aura finalement touché à son accomplissement, la subjectivité
devient un engrenage.
Or, Rosenzweig
comprend l’homme justement comme la note bleue : comme une sorte d’un en plus
du système, ou par ses propres mots : “L’homme, dans la simple unicité de son
être propre, de son être étable sur son nom et son prénom, sortait du Tout de
la philosophie”. Cela veut dire que le « tout le monde » ne peut être épuisé
par le concept. Il y a un au-delà de la pensée, un au-delà qui est la maison de
l’unicité de l’homme. L’existence individuelle et irréductible de chaque homme
dans le monde ajoute à ce monde une autre dimension.
Pour Rosenzweig,
chaque homme est une possibilité nouvelle de commencement d’une histoire, et
devient l'espérance d’une sortie de la logique du système. L’homme qui parle, qui
a un nom propre, est déjà traversé par la Révélation, par cette dimension qui
brise l’abstraction ennuyeuse d’un monde donné comme produit de la pensée. Le
particulier s’oppose à l’universel dans la mesure où il est toujours
ravissement - un aujourd’hui ouvert à la nouveauté, un maintenant qui n’est
jamais seulement la conséquence d’un temps passé. Le contingent qui ne passe
pas par la pensée, reste toujours un contingent. Il n’est pas englobé par la
nécessité caractéristique du système.
La Révélation est justement cette
dimension qui donne au monde son aspect de nouveauté. À chaque homme, son
propre temps : « Ce qui possède un nom propre ne peut plus être chose ni la
chose de tout le monde ; il est incapable de se dissoudre entièrement dans le
genre, car il n’y a pas de genre auquel il puisse appartenir ; il est son
propre genre. Et il n’a plus son lieu dans le monde, ou son moment dans le
devenir ; au contraire, son ici et maintenant, il les transporte avec lui ; là
où il se tient, il y a un centre, et là où il ouvre la bouche, il y a un
commencement ». La parole est alors comme un commencement, comme la
manifestation de l’unicité du temps de chaque homme.
[...]
Riyad Dookhy
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