TERRITOIRE : L’urbanisme mauricien en tant que politique du
futur (1) ARTICLE PARU DANS LE MAURICIEN | 15 JUILLET, 2011 - 18:00 |
PAR RIYAD DOOKHY
Nos nappes urbaines ont connu des développements sauvages,
au gré des événements. Or, le développement s’accompagne d'un effort rationnel
de ses conditions. Il ne peut être assuré que dans un lieu (« ubi ») planifié.
C'est ainsi que nulle société ne peut faire abstraction de l’urbanisme comme
projection de la rationalité sur un territoire. L’urbanisme, au-delà de la
pierre et des voiries, est avant tout une inscription des valeurs dans
celles-ci. C'est donc un événement culturel avant toute considération
fonctionnelle. Pour des sociétés modernes, il s’agit là d’une démocratisation
de l’espace et du temps. Le peuple mauricien a bien hérité des plans urbains
concrétisés du passé. Nos villes ont été en leur temps des merveilles
urbanistiques. Aujourd'hui deux horizons semblent s’ouvrir au peuple mauricien
à cet égard, quant à l’avenir même de nos villes.
D’abord nos villes connaîtraient-elles un développement
erratique ? C'est ici emprunter un modèle où tout s’entasse, où l’« hybris »
n'est pas conjuré, où le chaos s’empile tant horizontalement que verticalement.
C'est la cacophonie urbanistique qui s’accompagne d’un niveau d’hygiène
déplorable et de mouvements convulsifs. Ceci favoriserait la criminalité, le
mal-vivre, la gêne au quotidien, le mal de la ville, et toute forme de
désagrément et de pollution. C'est ici les gares et les places publiques
insalubres, et hautement polluées, où paradoxalement l’homme n'a pas sa place.
Ou alors, faut-il que les Mauriciens s’investissent dans un
modèle où la rationalité de la géométrie épouse les contours de l’esprit. Ici,
l’urbanisme est le fruit de la construction de l’espace et de la lumière, dans
lequel les architectures dévoilent un programme humain du bien-vivre, de
l’aisance et de l’excellence, de l’hygiène, de la propreté et de l’art de vivre
en communauté. Ce programme insisterait sur une certaine harmonie et respect de
chaque citoyen envers l’autre comme inscrite en son architecture même. Il
signifie que des touristes visitent l’île à bon droit, non seulement pour ses
plages mais pour l’art de vivre urbain qui y prévaut.
Or nous avons autant de raisons de craindre que le mauvais
modèle, le premier cité ici, s’impose de plus en plus à Maurice faute d'une
politique en ce sens. Certes, il existe des poches de constructions à caractère
commercial qui feraient la fierté d'un développement à la mauricienne. Mais il
est ici question de la démocratisation de l’espace sain et intelligent, à la
portée de tous les Mauriciens, et non à des « happy few », c'est-à-dire du
mal-vivre mauricien au quotidien.
A un tournant de notre histoire, il nous faut aujourd'hui
nous inspirer des grandes villes du monde qui ont réussi le défi urbanistique.
Comme toute société tiers-mondiste subissant l’urbanisation comme voie et moyen
de développement, Maurice en ressort comme d'une expérience qu’elle ne maîtrise
que dans une certaine mesure. L’urbanisation y est parfois sauvage, encombrée
et inhospitalière, somme toute négative d'une vie saine et paisible. Il ne faut
pas que Maurice soit l’exemple de ces villes où le chaos règne. Pour certaines
villes tiers-mondistes, à l’instar de Mumbai, le sens de la circulation
démographique demeure à l’état brut ; elles connaissent des foules denses et
fourmillantes du quotidien comme fait du destin et non de l’homme. Dans ces
villes, si un nombre important de gens dorment dans la rue, l’homme et l’animal
partageraient le même territoire. Les architectures du sacré côtoieraient avec
indifférence et peut-être avec une certaine gêne le monde des profanes. La
misère d'une population non prise en compte par l’État et les détritus ne
seraient alors que les revêtements des architectures. C'est ainsi inscrire des
antivaleurs mêmes dans la forme urbaine. A priori, l’espace structurel
n’accueillerait pas alors l’humain, où marcher dans la rue se ferait au péril
de sa vie.
A SUIVRE DEMAIN
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