dimanche 26 juillet 2015

Le profil dictatorial de certains discours politiques (1)






Riyad DOOKHY, ‘Le profil dictatorial de certains discours politiques (1), Le Mauricien, Jeudi 16 septembre 2010.  


ESPACE PUBLIC LOCAL

Le profil dictatorial de certains discours politiques (1)
Riyad DOOKHY (Avocat à Londres, et chercheur au Centre de Recherche Carré de Malberg, France)










La sphère du discours public mauricien est marquée par la parole politique. Celle-ci étend son ombre de façon quasi-totale sur la plateforme publique de sorte qu'elle se révèle comme peut-être l'unique mode de débat au détriment d'autres façons de discourir. Cet état de choses ne peut, pour autant, garantir une parole publique instruite, transparente et concertée qui traite de vrais problèmes d'une nation.

De même, le programme des discussions qui doivent retenir l'espace public est souvent déterminé par un choix politique. Ce choix s'exerce selon les intérêts en question et non selon l'intérêt des citoyens proprement dit. Ce qui est " politiquement correct " emporte nécessairement sur ce qui fâche. Il est logique que le discours politique écarte de son répertoire des sujets qui aliéneraient son électorat. Mais, en cela, bien des aspects importants du destin mauricien restent sous une ombre opaque sans bénéficier d'une discussion citoyenne ou nationale. Ainsi, l'on éviterait de parler de la montée de la criminalité mauricienne, ou de la brutalité policière dans ses proportions réelles, qui d'ailleurs nécessiteraient des enquêtes sur des services chargés de l'ordre public, les choix et décisions de ceux-ci ainsi que les personnes responsables.

D'autre part, des citoyens pourraient avoir le sentiment que certaines institutions sont en porte-à-faux au regard du respect des droits de l'homme. Rappelons que la force publique appartient au peuple et la police n'est qu'un mandataire de celui-ci dans un cadre de stricte légalité et de respect des droits. Il incombe au premier ministre et au gouvernement d'enquêter et de sanctionner ; pourtant, ici, ils semblent témoigner de laxisme. Il existe ainsi des problématiques qui touchent aux graves atteintes d'un État (aspirant à devenir un État de droit) qui ne sont pas en rapport avec l'agora dans ses proportions réelles, de façon informée et transparente. Maurice malheureusement n'aurait pas atteint le statut d'un véritable État de droit.

La discussion de l'État de droit mauricien, et les obligations étatiques que cela entraînerait, ne sont pas à l'agenda public, même si tous les maux qui rongent la société mauricienne à l'heure actuelle interpellent ce débat. Sur d'autres plans, le citoyen mauricien ne sait pas ce qui se conclut par le gouvernement au niveau international avec des pays comme l'Inde ou autres, des États qui nourrissent peut-être des ambitions qui pourraient porter atteinte à notre souveraineté nationale.

A cela, la société civile mauricienne, et, plus rarement, sa parole élitaire apolitique, se prononce, s'entend et s'écoute sur la place publique de façon secondaire, comme d'une immixtion qui troublerait ce discours politique prépondérant.
Si elle est timide, cette parole civile a su récemment mener une bataille tendant à préserver l'institution démocratique de l'île Maurice contre le discours d'un ministre du gouvernement qui aurait prôné que le pouvoir étatique résiderait dans une "section" d'une communauté uniquement, au grand dam des principes, tel celui qui fait de tout ministre un représentant de la population mauricienne entière. L'on pourrait légitimement avoir le sentiment que les propos imputés à ce ministre ont bénéficié d'une certaine indulgence du Premier ministre qui n'a pu apporter une sanction réelle… Tous les autres membres du gouvernement seraient tout autant complaisants, semble-t-il.

L'appel à l'équilibre et le contrôle
Or, force est de constater que la parole publique mauricienne est caractérisée par les deux traits dominants comme suit : un "discourir tout-politique" au profil dictatorial et un besoin nécessaire d'affermissement de la structure pensante de la société civile (par opposition à la structure politique). Il est grand temps que la société civile pensante se fasse entendre fermement en vue d'instaurer l'équilibre requis dans l'espace public. Elle interviendrait comme contrôle de l'action gouvernementale, monitoring d'autant plus nécessaire dans le contexte mauricien qui ne connaît pas une véritable mise en responsabilité du gouvernement tant au niveau politique que juridique, bien que celle-ci fut quelque peu prévue par les institutions dont nous avons héritées. Dans ce jeu du politique mauricien aux partis qui s'allient et se désunissent en une logique du pouvoir, et non en une logique de l'action, le "tiers état", le peuple, ou le citoyen, tout comme le véritable intérêt national, sont quelque peu les " oubliés " ou les ratés de l'histoire. Le discours politique mauricien en l'état actuel, s'il instaurait en apparence un certain débat public, ne peut garantir une vraie discussion démocratique réelle tant il est soumis aux aléas politiques au niveau local.

Ces observations sont d'autant plus pertinentes même si le discours politique mauricien est parfois houleux dans son verbe ; rien ne garantit l'échafaudage d'un débat transparent et éclairé. Bien au contraire, dans les tons et langages vulgaires de certains politiciens mauriciens, au dessous du seuil de la simple civilité citoyenne, qui répondent à des intérêts individuels des orateurs, rien ne permet un éclairage du peuple. Ces politiciens "vulgaires" mettent ainsi en œuvre un jeu politique évacué de toute sa fonctionnalité essentielle. C'est un abus de la confiance du peuple et de l'institution démocratique.
(Suite)


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