dimanche 26 juillet 2015

L’urbanisme mauricien en tant que politique du futur (2)



TERRITOIRE: L’urbanisme mauricien en tant que politique du futur (2) ARTICLE PARU DANS LE MAURICIEN | 16 JUILLET, 2011 - 12:00 | PAR RIYAD DOOKHY



Le sens d'un urbanisme éclairé et rationnel comme testament du futur est ce qui devait nous interpeller de manière unanime, pour le bien-être de tout le monde, celui de la grande nation mauricienne, qui comprend tant la métropole que Rodrigues et Agalega.

Il est à craindre que la politique d'un urbanisme intelligent et moderne s’émousse à Maurice, et que peut-être elle n’a jamais eu la place qui lui revenait. Elle ne fait pas généralement partie intégrante des politiques à défendre par nos acteurs politiques. Ce qui fait que les moyens financiers n’y sont pas consacrés car il s’agit d’une politique qui s’inscrit dans la durée, et qui ne serait pas évident à présenter devant l’électorat. Celui-ci répond à des harangues du moment, moulues dans un autre univers. Un gouvernement hésiterait à en faire un programme politique. Or, en raison de notre culture politique mauricienne, nous entamons notre acquis du passé en le consommant pour ne pas en faire un programme du futur.

Revenons ici à l’histoire. Port-Louis fut une planification réussie en son temps, un legs du passé que nous ne pouvons spolier sans mauvaise conscience. Dès 1729, la ville de Port-Louis avait acquis un statut distinct ; le témoignage subsiste dans ses constructions de l’époque qui font partie de la conscience collective mauricienne. Elle jouait alors déjà le futur du destin national que notre génération recueille aujourd'hui. Ce fut une capitale administrative et un port principal. Port-Louis devint une « city » par concession officielle (‘Formal Grant’) de la Reine d’Angleterre, annoncée par le Gouverneur Sir John Shaw Rennie, le 25 août 1964. Cette concession fut reçue le 28 août 1966 par le Conseil municipal de Port-Louis. Ce statut fut accordé en raison de la dimension et l’importance de la ville (vide, Port-Louis – Handbook of the City Council, The Mauritius Printing Co. Ltd, 1966, pp. 57). Au sortir du XIXe siècle, Port-Louis avait maintenu cette dimension. Le défi de Port-Louis, c'est que d'une simple ville elle est appelée à devenir la capitale structurante de la République d’aujourd'hui. Pour cela, il faut qu’elle puisse répondre à une prise de conscience urbanistique partagée par tout le monde.

Le bâtisseur de Port-Louis fut Mahé de La Bourdonnais (1699-1753). Ce qu'il faut retenir de son œuvre, c'est qu'il entendait faire de Port-Louis une cité modèle coquette et confortable (vide, Auguste Toussaint, Port-Louis, deux siècles d’histoire (1735-1935), La Topographie Moderne, Port-Louis, 1936). Cette vision des choses est aujourd'hui un de nos acquis historiques. Dès son arrivée, La Bourdonnais y avait fixé sa résidence (conformément à l’édit du roi daté du 4 novembre 1734, in Mahé de La Bourdonnais, Documents réunis par le comité du bicentenaire de La Bourdonnais, 11 février 1899, Port-Louis, E. Pezzani, rue de la Poudrière, 1899). Mahé de La Bourdonnais nous retient aussi par son dynamisme. Il se levait à quatre heures du matin, pour s’occuper de cette tâche, alors qu’il suivait, lui-même, pendant la journée les travaux, pour ensuite continuer à travailler la nuit dans son cabinet, et régler, entre autres, l’anachronique ‘circulation routière’. Selon ses termes propres : « de la facilité de transports dépend la richesse des habitants de tout pays » (p. 21, ibid). La réflexion urbanistique ne serait donc être nouvelle sur ce territoire.

Pour qui jette un œil sur la carte de Port-Louis, c'est un Paris en miniature que projetait La Bourdonnais dans ses dessins, avec son Champ de Mars, ces ruelles quadrilingues, rationnelles, et ses chaussées, ponts et canaux comme maîtrise du flux humain comme des intempéries, comme une merveille de l’époque, avec une latéralité des espaces tant administratifs, résidentiels que de loisirs (jardins et autres) qui s’emboîtaient. Les Mauriciens n’ont qu’à s’en réjouir, car le Paris d’alors était la ville et le centre du monde. Port-Louis fut ainsi bâti sur un des plus grands plans du monde. Si on a pu, à tort ou à raison, parler d'une ébauche des ‘gratte-ciel’(du moins l’expression trouva mention dans le Quid) à Port-Louis, et des quelques projets (dont le front de mer de Caudan), il importe à tout gouvernement, à toute mairie, à toute administration post-labourdonnaise, de poursuivre cette œuvre selon une conscience urbanistique du XXIe siècle, tout en restant fidèle à l’excellence de cette vision.

Si Port-Louis en est un exemple, toutes nos villes demandent des projets urbanistiques qui ne peuvent faire l’économie de nos programmes politiques. Si, par contre, les partis politiques ne peuvent en concevoir, il appartient à la population, même rurale, d’en exiger, car Maurice demeure une population interurbaine. C'est pour le bien-être de tout le monde que de jouir d’un environnement urbain sain, propre, éclairé où la construction même de l’espace devient une priorité. Il est temps que les Mauriciens puissent porter leurs rêves en réalité. C'est ici le sens premier du mauricianisme.

Un soutien du gouvernement français dans ce schéma, tel qu’il a été annoncé par l’ambassadeur en exercice, est bien entendu fort utile et infiniment louable.



FIN



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